lundi 28 février 2011

Daniel Bensaïd | La politique comme art stratégique



 
Hannah Arendt s’inquiétait que la politique puisse disparaître complètement du monde. Les désastres du siècle étaient tels que la question de savoir si la politique avait «encore un sens» devenait inévitable. Pour elle, le totalitarisme était la forme de cette disparition redoutée.
Nous avons aujourd’hui affaire à une autre figure du péril: le totalitarisme à visage humain du despotisme de marché. La politique s’y trouve laminée entre l’ordre naturalisé des marchés financiers et les prescriptions moralisantes du capital ventriloque. Fin de la politique et fin de l’histoire coïncident alors dans l’infernale répétition de l’éternité marchande.
L’idée d’une autre société est devenue presque impossible à penser, et d’ailleurs personne n’avance sur le sujet dans le monde d’aujourd’hui. Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons.
Daniel Bensaïd, qui s’inscrit en faux contre cette problématique, tente ici de répondre à cette désespérance en portant son attention aux débats du mouvement altermondialiste, en interrogeant Marx, Lénine et les années 1970, notamment en Europe du Sud et en Amérique latine. Il souligne tout à la fois les continuités et les ruptures, afin de donner de la profondeur théorique et historique aux controverses actuelles.
Daniel Bensaïd a notamment publié Marx l’intempestif (Fayard, 1995), La discordance des temps (Les éditions de la Passion, 1995), Qui est le juge ? Pour en finir avec le tribunal de l’histoire (Fayard, 1999), Fragments mécréants. Sur les mythes identitaire et la république imaginaire (L. Scheer/Lignes, 2005), Éloge de la politique profane (A. Michel, 2008).

Sommaire
Avant-propos de Antoine Artous
Et si on arrêtait tout ?
« Les sauts ! Les sauts ! Les sauts ! » : Lénine et la politique
Stratégie et politique : de Marx à la 3e Internationale
Front unique et hégémonie
Temps historiques et rythmes politiques
Les dépossédés. Marx dans la lutte anticapitaliste d’aujourd’hui et de demain, Entretien avec Louis-Philippe Lavallée
Nous débarrasser des fétiches de la religion de l’Histoire, Entretien avec André Perez
Puissances du communisme
  

 

vendredi 25 février 2011

André Tosel | Scénarios de la mondialisation culturelle


Du retour du religieux
Peut-on parler d’une culture mondiale ? À première vue la réponse est positive. La mondialisation repose sur une universalisation économique accompagnée d’une universalisation politique. Le système de l’économie monde repose sur l’expansion des marchés et sur la généralisation de l’entreprise comme institution totale. Ce système a pour forme politique la démocratie régime appelée à se répandre partout avec ses droits de l’homme et du citoyen. L’universalisation culturelle semble s’imposer avec les médias de masse du capitalisme cognitif, avec l’unification linguistique opérée par l’anglo-américain, avec l’expansion d’un idéal de vie individualiste centré sur la consommation. Le néolibéralisme se présente comme la conception totalisante du monde, de ce monde.
C’est ainsi en ces conditions que s’accomplit ce que l’on nomme le retour de la religion. Sous ce terme se dissimule une pluralité de phénomènes qui défient les théories disponibles de la religion notamment celles qui se définissent comme critique de l’imaginaire idéologique. Concurrence des monothéismes, vitalité exceptionnelle de l’Islam, recul des hérésies égalitaires du christianisme, poussées d’intégrisme théologico-politique au sein des religions universelles, tentations de recours à la guerre sainte, émergence de religions bricolées soutenant l’intégration dans une société de concurrence, marché des croyances absurdes et ce au sein d’une époque qui devait être selon Weber celle du désenchantement et du rationalisme calculateur. Sous cette mosaïque bigarrée se constituent des rapports complexes de pouvoir autour d’enjeux bien terrestres et rien n’assure que les masses subalternes ne trouvent là satisfaction de leur désir d’émancipation cruellement dénié.
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Civilisations, cultures, conflits
Au sein d’un monde déchiré par la guerre globale et les états de violence interethniques la civilisation est considérée comme enjeu, d’un choc. La civilisation occidentale, dominante, se juge par la bouche de certains interprètes directement menacée par d’autres rivales, notamment la civilisation islamique. Les accusations d’impérialisme ne sont pas nouvelles. Depuis le 11 septembre 2001 la tentation est grande pour les leaders occidentaux de récuser l’accusation en faisant valoir la menace terroriste et de donner à leur hégémonie une diction civilisatrice exclusive. S’opère un usage rétorsif de l’incrimination de barbarie. En fait il importe de déconstruire la notion asymétrique de civilisation en prenant la mesure de la barbarie immanente à la mondialisation capitaliste et de distinguer entre islamophobie politiquement injustifiable et critique légitime des religions. L’enjeu est d’empêcher que la problématique confuse du choc des civilisations ne se transforme en prophétie auto-réalisatrice.

mardi 22 février 2011

J.-N. Ducange & F. Touati | Marx, l'histoire et les révolutions

Marx, l’histoire et les révolutions

Depuis quelques années, on n'a de cesse de proclamer « le retour de Marx », notamment pour vanter ses analyses des contradictions de l'économie capitaliste. Sa conception de l'histoire reste quant à elle largement rangée au rayon des antiquités, au côté des « expériences socialistes ». Pourtant, le matérialisme historique est un élément central de la pensée de Marx, celui qui permet de comprendre les conditions fondamentales de l'histoire et de l'émancipation des hommes.
Dans un langage clair et accessible Jean-Numa Ducange et Mohamed Fayçal Touati exposent les fondements de la conception matérialiste de l'histoire, ainsi que les textes et l'action de Marx au moment des révolutions de 1848 et 1871. Ils plaident pour un retour, fût-ce critique, sur cet élément clé de la pensée de Marx.
Une attention particulière est portée à la double dimension diagnostique-critique et prospective de la dialectique, au rôle déterminant de l'action et à la spécificité de l'écriture marxienne de l'histoire : penser l'histoire pour la faire. 

Jean-Numa Ducange & Fayçal Touati, Marx, l’histoire et les révolutions. Montreuil : La ville brûle, 2010. – 128 p.