dimanche 7 février 2010

« Althusser et le mystère de la rencontre » par Daniel Bensaïd


 A la différence de l’architecte qui a d’abord porté la maison dans sa tête, la taupe ne suit pas un plan préconçu. Comme la ruche de l’abeille, la taupinière prend forme au fur et à mesure de son cheminement. En creusant son dédale de galeries, de carrefours, et de bifurcations propices à la surprise d’une rencontre, la taupe découvre sa propre vocation.

Pathétique au plan personnel comme au plan théorique, la trajectoire de Louis Althusser témoigne des turbulences d’une époque. Suspect d’avoir cédé naguère à la tyrannie des structures, il apparaît, dans ses textes posthumes, comme un penseur du « matérialisme souterrain de la rencontre ». Mineur de fond et sapeur du génie, ce dernier Althusser se rebiffe contre la fermeture du futur et l’extinction de l’espérance.
En 1985, sa mort fut l’occasion d’hommages souvent embarrassés. Le Parti communiste ne pouvait oublier les années de tension s’achevant par la rupture, avec le 22e Congrès et Ce qui ne peut plus durer dans le Parti communiste. Quant aux disciples, une partie avait basculé dans la rénégation, une autre avait évolué dans des directions divergentes et souvent contraires. Il n’existait plus, à proprement parler, « d’althussériens », comme on disait jadis, avec un soupçon de suffisance tribale pour ceux qui « en étaient », et un zeste d’aigre dérision pour ceux qui « n’en étaient pas ».
Comment comprendre aujourd’hui les réactions extrêmes, favorables ou hostiles, suscitées au moment de leur publication, en 1965 et 1966, par les textes de Pour Marx ou de Lire le Capital ? (Lire la suite)

« La société communiste vue par Marx » par Jean Robelin