jeudi 16 décembre 2010

M.-G. Meriggi | L’Historiographie sociale en Italie. Entre la « Formation économique et sociale » capitaliste et les sociabilités ouvrières



L’histoire sociale dont je vais vous parler est surtout une histoire du monde du travail et je souligne que ce champ d’études fait aujourd’hui problème ou quand même impose une réflexion préalable. Notre champ de travail est, en effet, soumis aux va-et-vient quelques fois contradictoires des orientations culturelles, citoyennes et politiques ambiantes. Les historiens italiens ont poussé probablement à l’extrême une caractéristique qui n’appartient pas qu’à eux. Très souvent l’histoire de certains partis ou cultures politiques a été assignée aux historiens du même champ, avec tous les rebondissements que ça implique. Mais ces rapports complexes entre l’histoire, la société et la politique ont embrassé des milieux beaucoup plus vastes. Un « vieux maître » de ces études, Eric J. Hobsbawm, a écrit déjà en 1974 que ce champ de travail était au point de croisement pour ainsi dire entre l’université et le monde extérieur. « [The typical labor historian] stands at a point of junction between politics and academic study, between practical commitment and theoretical understanding, between interpreting the world and changing it. For labor history is by tradition a highly political subject, and one which was for long practiced largely outside of the universities. All the studies of labor were of course political since the subject began to arouse systematic scholarly interest, say in the 1830s and the 1840s with the various enquiries into the condition of the new proletariat (1) ».


(1) E. Hobsbawn, « Labor History and Ideology », Journal of Social History, 1974, VII, p. 371-381 (le texte cité se trouve à la p. 371)

jeudi 4 novembre 2010

Journée d'études, 13 novembre 2010 : « La formation de l'homme nouveau dans le discours révolutionnaire, 1789-1799 »


Dans le cadre du séminaire, une journée d’études sur « La formation de l'homme nouveau dans le discours révolutionnaire, 1789-1799 » est organisée le samedi 13 novembre 2010. Il s'agit de permettre un échange à la fois méthodologique et théorique entre chercheurs de deux disciplines différentes, la philosophie et l'histoire, à propos d'un des aspects idéologiques de la Révolution française; à savoir, la manière dont les acteurs de la période conçoivent la régénération individuelle et collective dans le cadre de la France nouvelle née des évènements.
Plus d’information sur Calenda

dimanche 31 octobre 2010

Journée d’études | « Marx et l’ironie de l’histoire » (Toulouse, 25 février 2011)


Marx et l’ironie de l’histoire
Actualité du matérialisme historique 
Journée d’études

Université Toulouse II – Le Mirail, Département de Philosophie
Collège International de Philosophie
 Séminaire Marx au XXIe siècle, l’esprit et la lettre, CHSPM (Paris I – Sorbonne)

Vendredi 25 février 2011
TOULOUSE, UNIVERSITE DU MIRAIL, BAT. 18, 9H-18H

L’affirmation du caractère « inévitable » de la révolution prolétarienne, et la thèse qu’elle présuppose, peu ou prou évolutionniste, selon laquelle les transformations de la civilisation à l’ère de la domination du capital seraient destinées à s’homogénéiser quasi-linéairement,  furent souvent prêtées à Marx et Engels. Et certes ceux-ci se sont-ils efforcés de diagnostiquer le mouvement réel des contradictions du capitalisme et leur tendance constitutive à produire de façon croissante des crises systémiques, et en ont-ils inféré la radicalisation exponentielle de la lutte des classes. Pourtant le propre de Marx fut d’être un radical anti-fataliste : si le capitalisme n’est ni naturel ni indépassable, rien pourtant ne garantit, à l’inverse mais dans le même sens, qu’à l’image d’une loi de la nature cette révolution ne soit à son tour inéluctable.  L’histoire est scandée par des contre-finalités, des retournements de situation, des courtcircuitages, des régressions comme des explosions libératrices qu’aucun déterminisme ne saurait ni dissoudre, ni prédire. L’histoire n’est ni contingence, ni nécessité : c’est un faire. Les hommes font l’histoire sur la base de conditions antérieures, et celle-ci ne peut s’affranchir de son ombre, mais son irréductible événementialité est à la fois l’indice et la ressource d’un sens du possible dont le XXIe siècle a déjà besoin, largement autant que jadis.

Les exposés de cette journée visent à explorer quelques conditions et quelques modalités de reconquête théorique et politique, avec Marx, de ce sens du possible, en repartant de l’idée relativement élémentaire selon laquelle l’histoire est moins un procès « sans sujet ni fin », que le procès continué de la domination de classes instruit par des sujets qui continuent d’avoir faim. Le XXe siècle semble avoir consacré l’échec des luttes ouvrières, le stalinisme semble avoir invalidé en son principe la volonté révolutionnaire, l’éternisation du capitalisme n’ayant peut-être jamais été aussi idéologiquement puissante qu’aujourd’hui. Ironie pour ironie, à moins de présupposer une loi transcendante digne des métaphysiques d’antan, il n’est pourtant pas Dit ni Ecrit que les exploités et opprimés d’aujourd’hui laisseront cette pseudo-posthistoire œuvrer ad nauseam dans leur dos. Toute actualité du « matérialisme historique » marxiste implique, avant tout autre positionnement, le refus de ce présupposé. C’est donc ce refus, et l’effort afférent pour en tirer en cohérence et en situation les leçons, qui constituera le point de départ méthodologique de la rencontre.

Le programme détaillé sera mis en ligne ultérieurement. Intervenants prévus/pressentis : Isabelle Garo (Paris, Marx au XXIe), Jean-Numa Ducange (Rouen, Marx au XXIe), Guillaume Sibertin-Blanc (UTM, CIPh), Fayçal Touati (UTM), Emmanuel Barot (UTM, CIPh, Marx au XXIe).

Pour toute information : emmanuel.barot@nordnet.fr

PLAN D’ACCES
Du centre-ville de Toulouse : Métro ligne A, direction « Basso Cambo », arrêt « Mirail-Université ».
• A la sortie du métro, poursuivre tout droit jusqu’à l’entrée du Campus. Contourner le bâtiment de l’Arche vers la droite, jusqu’au bâtiment 18.

L’accès à la salle de la rencontre sera précisé par affichage sur place.

jeudi 28 octobre 2010

Quelques nouveautés

Deux nouveaux textes ont été mis en ligne sur le site du séminaire :  

C. Leneveu « Un automne brûlant… à Nantes. Sur les manifestations et les émeutes urbaines dont Nantes a été récemment le théâtre »
Lors du mouvement social récent [novembre-décembre 1995, ndlr], cet « automne brûlant » que notre pays vient de connaître, les manifestations unitaires organisées à Nantes à l’appel de l’intersyndicale cgt, cgt-fo, fen et fsu, ont atteint une ampleur sans égale depuis 1968. On peut même dire, avec certitude, que ces manifestations – auxquelles s’est toujours associé le mouvement étudiant dans ses diverses composantes et tendances , ainsi que des lycéens des principaux établissements de l’agglomération – délimitent sur le registre de la mobilisation collective, un seuil supérieur d’implication et de participation, si l’on se remémore, ou si l’on examine, les manifestations de 1968. Ainsi, celles du 30 novembre et des 5 et 7 décembre rassemblent de 25 000 à 35 000 personnes, quant à celle du 12 décembre, qui marque le point de crête du mouvement, elle regroupe 40 000 manifestants (50 000 selon L’Humanité).


Le travail est depuis longtemps objet d'étude, mais il fait partie de ces objets récalcitrants qui se dérobent alors même qu'on croit les cerner. Sous sa forme moderne de travail salarié, il a donné lieu et donne toujours lieu à de nombreuses enquêtes et à des réflexions souvent très élaborées, mais il n'est pas certain pour autant que sa réalité profonde soit véritablement saisie. Le travail, malgré sa banalité quotidienne et sa trivialité répétitive n'est pas quelque chose d'indifférent pour les individus et les groupes sociaux. Il est à la fois un enjeu vital et un enjeu social, particulièrement pour ceux qui en sont les prestataires principaux : il leur donne en grande partie leur identité. Il ne faut donc pas s'étonner de voir qu'on lui attribue souvent des significations qui excèdent les pures considérations économiques et ergonomiques et qu'on projette sur lui beaucoup d'espoirs et de fantasmes. Le travail est à la fois dépense (physique, nerveuse) de la force de travail et activité qui doit faire sens pour celui qui l'exerce, et cela même s'il est en partie souffrance et reproduit sans cesse du non-sens. Le travail visible est en quelque sorte complété par du travail invisible, par les efforts que les individus font sur eux-mêmes pour s'y retrouver, notamment pour intérioriser les contraintes qui pèsent sur eux et transfigurer dans une certaine mesure leur propre situation.
 



 

mercredi 27 octobre 2010

Séance du 30 octobre 2010 : M. G. Meriggi, Marxisme et historiographie sociale en Italie

La prochaine séance du séminaire, aura lieu le
samedi 30 octobre 2010 

avec une intervention de
Maria Grazia MERIGGI 

Marxisme et historiographie sociale en Italie.
Entre la « formation économique et sociale » capitaliste
et les sociabilités ouvrières
 
Université Paris 1 Sorbonne, Amphithéâtre Lefebvre
(Galerie J.-B. Dumas, esc. R, 2e ét.)
Attention, en raison de travaux, l'entrée se fait par le 14, rue Cujas

L’entrée est libre et gratuite dans la limite des places disponibles
 

jeudi 14 octobre 2010

annulation de la séance du 16 octobre

Etant donnée la journée nationale d'action et de manifestations contre la réforme des retraites du samedi 16 octobre 2010, la séance prévue ce jour est annulée et reportée ultérieurement

mercredi 6 octobre 2010

Première séance du séminaire 2010-2011 • 16 octobre 2010

Bernard GUERRIEN

La crise : où en est-on ?

samedi 16 octobre 2010,
de 14 à 16h

Université Paris 1-Sorbonne, amphithéâtre Lefebvre

galerie J.-B. Dumas, escalier R, 2e étage
 

(entrée  par le 17, rue de la Sorbonne, Paris 5e)


L'entrée est libre et gratuite

dans la limite des places disponibles

dimanche 19 septembre 2010

Rencontre avec David Harvey



RENCONTRE AVEC DAVID HARVEY,
théoricien de la Radical Geography
À l’occasion de la parution en français de ses ouvrages
Géographie et capital et Le nouvel impérialisme,
les éditions Les Prairies ordinaires et les éditions Syllepse
ont le plaisir de vous convier à une rencontre avec leur auteur,
jeudi 21 octobre de 18h30 à 22 h
à l’École d’architecture de Paris
60 bd de la Villette, 75019 Paris
métro Belleville ou Colonel Fabien

avec le soutien de: Actuel Marx, ContreTemps, Espaces Marx,
le Genre urbain, Séminaire « Marx au 21e siècle », Société Louise Michel

Pour plus d’informations :


dimanche 29 août 2010

Écologie, marxisme, politique…


En complément du livre de Daniel Tanuro, évoqué dans le précédent billet, signalons cet article de Fabrice Flipo sur Marx et l’écologie, à partir du livre de John Bellamy Foster, Marx’s Ecology : Materialism and Nature (Monthly Review Press, 2000) et intitulé « L’écologie politique est-elle réactionnaire ? L’enjeu des choix technologiques chez John Bellamy Foster » accessible sur le site de la revue électronique Sens public à cette adresse.

jeudi 26 août 2010

D. Tanuro | L'impossible capitalisme vert


D'un côté, trois milliards de gens vivent dans des conditions indignes de l'humanité. Enseignement, santé, énergie, eau, alimentation, mobilité, logement : individuellement leurs besoins sont modestes mais, au total, ils sont énormes. Les satisfaire n'est possible qu'en augmentant la production matérielle. De l'autre côté, deux cents ans de productivisme ont mené le système climatique au bord de l'infarctus. Éviter que les changements climatiques s'emballent et frappent des centaines de millions d'êtres humains impose de réduire radicalement les émissions de gaz à effet de serre. Donc la consommation des énergies fossiles nécessaires aujourd'hui à la transformation des ressources prélevées dans l'environnement. Donc la production matérielle. Comment stabiliser le climat tout en satisfaisant le droit légitime au développement de celles et ceux qui n'ont rien, ou si peu... et qui sont en même temps les principales victimes du réchauffement ? C'est le casse-tête du siècle.
 Dans ce livre, Daniel Tanuro propose de réconcilier l'écologie et le projet socialiste, parce que le capitalisme ne saura rien résoudre. Contre les sceptiques, il montre le fonctionnement exemplaire des scientifiques au sein du GIEC, mais aussi comment les gouvernements sous-estiment en permanence ses recommandations. Il montre aussi que le marché du carbone a pour principal résultat d'enrichir et de renforcer les grands pollueurs, ceux qui ont intérêt à brûler des combustibles fossiles le plus longtemps possible.
Si l'on n'est pas capable d'articuler les luttes économiques et le combat pour la protection de l'environnement, le capitalisme causera des catastrophes sociales et environnementales de grande ampleur. Quelles erreurs ceux qui se réclament du socialisme ont-ils commises pour que cette articulation semble aujourd'hui si difficile ?

Daniel Tanuro est ingénieur agronome et environnementaliste. Il collabore au Monde diplomatique et a fondé l'ONG belge « Climat et justice sociale ».  
Préface, de Michel Husson : Pour un socialisme vert
Introduction
1. Le savoir indispensable à la décision
2. L’énormité de la chose
3. Une fausse conscience « anthropique »
4. Le nécessaire et le possible
5. Le double obstacle capitaliste
6. Une politique de gribouille
7. Le pied collé à l’accélérateur
8. Pauvres en surnombre et apprentis sorciers
9. Verdissement ou pourrissement ?
10. La seule liberté possible
Épilogue : Un espoir est né à Copenhague
 
Daniel Tanuro, L'impossible capitalisme vert. Paris : La Découverte, 2010. – 308 p. (Les Empêcheurs de penser en rond)




dimanche 25 juillet 2010

Programme 2010-2011

Le programme du séminaire 2010-2011 est désormais disponible sur le site web du séminaire Marx au 21e siècle ainsi que sur le site web du Centre d’histoire des systèmes de pensée moderne (CHSPM, université Paris 1).

mercredi 14 juillet 2010

En attendant le programme…

En attendant le programme donc, qui se finalise, trois nouveaux textes sont disponibles sur le site du séminaire, dont deux consacrés à Sartre, avec notamment l'intervention de Juliette Simont au séminaire de cette année.
   
P.-U. Barranque | Penser la lutte, penser l’émancipation : Sartre et la question basque en 1971 
« Le Procès de Burgos », texte extrait du Xe et dernier tome des Situations, est probablement l’un des écrits les plus originaux que Jean-Paul Sartre ait pu consacrer à l’actualité immédiate de son époque. Ce texte fut réalisé par Sartre en 1971, afin de servir de préface à l’ouvrage du même nom, Le Procès de Burgos, écrite par l’avocate Gisèle Halimi. Nous nous doutons que la préface de Sartre est déjà originale quant à son objet. L’auteur nous y présente, en effet, un sujet d’étude des plus inattendus de la part d’un intellectuel français des années 70, à savoir la lutte du peuple basque sous la dictature franquiste. Mais, par-delà l’exotisme de cette région située aux confins de la France et de l’Espagne, nous pouvons aussi reconnaître l’originalité de ce texte sur de nombreux autres points, aux contenus plus philosophiques. Remarquons, tout d’abord, que cet article est l’un des plus parfaits exemples de ce qui fut l’une des fonctions principales de la publication des Situations : à savoir compiler les nombreux articles d’analyse de politique immédiate dans lequel Sartre excellait, à côté de ses œuvres philosophiques et littéraires proprement dites. Nous pourrions même dire que cet écrit méconnu qu’est « Le Procès de Burgos » est l’exemple même d’une pensée en situation, telle que l’a très souvent pratiquée Sartre pendant toute sa vie. Car de situations, il ne s’agit que de cela dans ce texte. Et la situation politique à l’origine de cet écrit, c’est le fameux procès des six militants basques, condamnés à mort par le pouvoir franquiste le 9 Décembre 1970, après une parodie de justice dans le tribunal militaire de Burgos. [Lire la suite]
 
J. Simont | L’être-de-classe dans l’œuvre de Sartre 
Sartre est un homme des apprentissages lents, il le sait et le revendique. Simone de Beauvoir est au contraire une femme pressée. Interrogeant Sartre, en 1974, dans un entretien intégré à La Cérémonie des adieux sous le titre « Entretien avec Jean-Paul Sartre », elle a manifestement envie de lui faire dire que dans les premières années de leur relation, ils avaient déjà tous deux pleinement conscience de ce qu’est la lutte des classes. Sartre rechigne, renâcle, nie que sa haine de la bourgeoisie, en effet présente dès La Nausée, et même avant, dans sa jeunesse à l’Ecole normale, ait été une haine à l’égard de la classe exploitante : c’était une haine des mœurs bourgeoises, un athéisme, un anticonformisme dépourvus de soubassements politiques. Il avait lu Marx, oui, très tôt, « en troisième ou quatrième année d’Ecole » (p. 481). Cela n’avait produit en lui nul bouleversement mais simplement un intérêt de très bon élève, cela lui apparaissait comme une doctrine « bien raisonnée », une théorie de plus, très ou trop bien digérée par son agile intelligence. Rien ne l’avait frappé ni marqué. Son ami Nizan s’inscrivait au PC, s’en désinscrivait, s’y réinscrivait : l’intimité et la nature de leur amitié ne s’en trouvait pas changée, comme si ces remous étaient parfaitement secondaires. Nizan, semble-t-il, ne le taraudait pas de considérations politiques. Sartre va jusqu’à dire à Simone de Beauvoir que pendant son adolescence la coexistence avec son beau-père pourtant honni, l’ingénieur Mancy, capitaine d’industrie à La Rochelle, n’avait pas été sans influencer sa vision des ouvriers, considérés par leur patron comme de grands enfants. [Lire la suite]
 A. Artous | Marx et le fétichisme De la critique de la religion à la critique de l’économie politique
« À la place de l’exploitation voilée par les illusions religieuses et politiques, (la bourgeoisie) a mis l’exploitation ouverte, éhontée, directe dans toute sa sécheresse. (…) Tout ce qui était solide, bien établi, se volatilise, tout ce qui était sacré, se trouve profané et, à la fin, les hommes sont forcés de considérer d’un œil détrompé la place qu’ils tiennent dans la vie, et de leurs rapports mutuels », proclame Le Manifeste communiste (Marx, 1963, p. 164).
L’avènement de la bourgeoisie moderne bouleverse, effectivement, les formes de domination précapitaliste dans lesquelles les rapports d’exploitation se structurent à travers des rapports de dépendance personnelle (serf, esclave, etc.) et un imaginaire religieux qui, sous des formes diverses, légitime les hiérarchies sociales par leur inscription dans un ordre surnaturel. La question est importante si l’on veut comprendre les ruptures introduites par le capitalisme. Mais, au moins à cette époque, tout se passe pour Marx comme si, ce que Max Weber appellera le désenchantement du monde était synonyme d’une marche vers la transparence des rapports sociaux rendant visible l’exploitation.
Dans Le Capital, ce n’est plus le cas. L’avènement de la production marchande porte une nouvelle forme d’opacité, lié à la généralisation d’une forme sociale particulière qui porte ses propres fantasmagories. Alors que la marchandise semble quelque chose de trivial, « c’est une chose très complexe, plein de subtilités métaphysiques et d’arguties théologiques », écrit Marx dans les pages Livre I du Capital où il se propose d’analyser « le caractère fétiche de la marchandise et son secret » (Marx, Œuvres, 1963 p. 104). [Lire la suite]

mercredi 30 juin 2010

[Parution] N. Boukharine, « L'économie politique du rentier »


L’économie marginaliste est aujourd’hui enseignée dans toutes les facultés. Les principaux ouvrages d’économie y font référence. Elle est au cœur de la théorie économique libérale. C’est aux fondements de cette théorie que s’attaque L’Économie politique du rentier. Rédigé en 1914, le manuscrit a été retrouvé et publié en 1919. Entretemps, l’auteur était devenu l’un des dirigeants de la Révolution russe.
Parue en français seulement en 1972, cette première édition est épuisée depuis de nombreuses années. Pour Pierre Naville, qui avait préfacé cette édition, « la construction du livre est très claire. Boukharine situe d’abord l’école marginale autrichienne par rapport à l’école historique et à ses précurseurs, du point de vue du caractère logique de leurs théories. On remarquera que cet exposé fait ressortir une opposition bien actuelle : celle qu’Aristote instaurait déjà entre genèse et synthèse, que l’on appelle souvent aujourd’hui histoire et structure. Boukharine expose clairement comment Marx a su combiner ces deux formes dans le jeu de l’évolution et des catégories, parce qu’il en a saisi la source où il faut ; dans le travail, qui est d’abord activité pratique, production, puis système. Il étudie ensuite tout ce qui sépare la méthodologie originelle du marginalisme (subjectivisme, individualisme, consommation) de la méthodologie marxiste (dialectique, production, objectivation). Puis il traite systématiquement de la théorie de la valeur proprement dite, du profit et de sa distribution. L’ouvrage est assez clair dans sa démarche et dans la présentation des matériaux pour qu’il soit inutile de le résumer. »

dimanche 27 juin 2010

Nouveautés (en attendant le programme)


En attendant le programme du séminaire pour 2010-2011, qui est actuellement en cours d’élaboration et qui sera naturellement publié sur le site et le blog, signalons la publication de quatre documents : un lien vers un blog dont nous avons déjà parlé ainsi que trois textes récemment mis en ligne sur le site du séminaire.
 
# un lien qui donne accès au texte intégral du livre de J.-M. Vincent, Critique du travail : le faire et l’agir (Paris : PUF, 1987)
# un texte d’actualité de S. Kouvélakis, France : une crise d’hégémonie prolongée qui a initialement paru dans le numéro 1 de la nouvelle série de Contretemps chez Syllepse.

jeudi 17 juin 2010

Critique du travail par Jean-Marie Vincent

On nous a signalé un blog sur lequel est disponible, en texte intégral, l’ouvrage de Jean-Marie Vincent, Critique du travail : le faire et l’agir qui a paru en 1987. Toute « dythirambie » mise à part – toujours un peu suspecte de trop et de mal en dire –, il demeure en effet un ouvrage important, dont on peut regretter qu’il n’ait pas encore été réédité. Puissent ces messages y contribuer.

mardi 11 mai 2010

Daniel Bensaïd | hommage de la revue « Lignes »


Le 12 janvier 2010, Daniel Bensaïd est mort à Paris, à l’âge de 63 ans. Pour Lignes, mais pas seulement, cette mort aura été l’occasion une considérable tristesse, dont ce numéro témoigne.

De cette tristesse, comment témoigner sinon par un hommage (en d’autres temps, on eût dit un «  tombeau  ») ? Moins peut-être qu’un hommage, par un portrait. Par le portrait d’un homme qui ne manquera pas de se dessiner au fur et à mesure des nombreuses contributions sollicitées (et tous ont dit quelle humanité était celle de cet homme, qui témoignait a fortiori pour la sincérité de son engagement intellectuel et politique), et par le portrait d’une pensée. Sont-ils ici différents ? Le sont-ils plus qu’avec n’importe qui d’autre ? Ils le sont en effet, parce qu’il n’est pas courant qu’un intellectuel soit aussi un militant et parce que l’intellectuel et le militant, quelque effort que toute sa vie Daniel Bensaïd ait faits pour qu’ils aillent du même pas, ne sont pas absolument semblables ni égaux. Impossible de les séparer absolument, sans doute ; difficile cependant de les superposer exactement. À Lignes il revient de faire le portrait du penseur plus que celle du militant, de témoigner des livres plus que de l’action.

Les livres eux-mêmes témoignent d’ailleurs de cette distinction incertaine : la quasi absence de livre, d’abord, toutes les années où celui-ci se consacra à l’immédiateté de la lutte politique (co-fondation de le Jeunesse communiste révolutionnaire en 65, participation à la création du Mouvement du 22 mars en 68, puis à celle de la Ligue communiste révolutionnaire…) : quatre livres en vingt ans, en tout et pour tout. Puis vingt-cinq livres les vingt années suivantes. Dont les plus importants, ceux qui le feront passer par Benjamin (Sentinelle messianique) pour repenser Marx (L’intempestif). Un travail de fond qui fait de lui l’un des exégètes (engagés) les plus remarquables du corpus marxiste, c’est ce qu’il est au moins possible d’en dire ; mais qui fait de lui aussi et surtout celui qui a le plus profondément remis en jeu la validité du marxisme pour le monde contemporain.

Il a régulièrement contribué à Lignes dès et depuis 1993 ; Lignes à qui il a donné quatre de ses derniers livres ces cinq dernières années ; entre autres Fragments Mécréants, et Penser, Agir.

lundi 26 avril 2010

Nouveautés sur le site du séminaire

Bonsoir,

Plusieurs nouveautés à signaler sur le site du séminaire. En cliquant sur la rubrique « La vidéothèque » vous accéderez directement au site du CHSPM (université Paris 1) qui héberge les flux audio et/ou vidéo disponibles pour les séances de cette année (2009-2010) et des années précédentes. D'autre part, de nombreux textes ont été récemment mis en ligne sur le site du séminaire depuis le 28 mars dernier et nous en attendons encore quelques autres, dont le texte de l'intervention de Juliette Simont sur « Sartre et Marx ». Sa parution sera annoncée ici-même par un billet.

Textes et articles récemment mis en ligne

 # A. Artous | Retour sur le marxisme révolutionnaire

dimanche 25 avril 2010

ContreTemps n°5 : Salariat et syndicalisme


Dans ce numéro, hommage de ContreTemps, revue qu’il a fondée et dirigée jusqu’ici, est publié un texte inédit de Daniel Bensaïd traitant des questions liées au colonialisme, « Blessures et travaux de mémoire. »
Sarkozy était ministre de l’Intérieur, il est à présent, nul ne peut l’ignorer, Président de la République, et fébrilement il met le pays à son heure. Francis Sitel interroge la relation, moins évidente qu’il paraît, entre Sarkozy, le sarkozysme et la droite.
Face à ce pouvoir représentant du capital, où en sont la classe ouvrière, le salariat, le syndicalisme ? Vaste chantier ! A explorer avec Louis-Marie Barnier, Lisbeth Sal, Henry Clément, Anne Moyrand et René Mouriaux. Comment va la planète après Copenhague ? Daniel Tanuro en dresse le bilan et en dessine les enjeux. Et pour mieux appréhender les dégâts du progrès, la logique infernale du profit qui fonde le capitalisme, on lira l’article de Laurent Vogel sur le criminel drame de l’amiante.
« Mille marxismes » accueille dans ce numéro une étude de Luc Vincenti sur deux ouvrages récents de Franck Fischbach, dont Manifeste pour une philosophie sociale. Autre dimension de ce numéro, culture et marxisme, avec un article de Bruno Bosteels, réflexions sur le livre de José Revueltas, Los errores, et plus généralement sur marxisme et mélodrame. Francisco Alambert évoque, lui, la figure de Mário Pedrosa et Thierry Labica nous dit « le besoin que nous avons de Raymond Williams ».
Enfin, un entretien avec Michel Lequenne, qui vient de publier Le Catalogue un imposant et fort livre « Pour Mémoires », et qui nous appelle à « Plus de conscience ! »

vendredi 23 avril 2010

Gilles Châtelet | Les animaux malade du consensus

Pour commémorer le dixième anniversaire de la mort de Gilles Châtelet, auteur du fameux essai critique Vivre et penser comme des porcs, paru en 1998, les Éditions Lignes publient le recueil de ses interventions et textes politiques inédits ou devenus introuvables.

Voilà dix ans, le mathématicien et philosophe Gilles Châtelet publiait un essai singulier et prophétique, dont le titre retentit encore  : Vivre et penser comme des porcs. De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés, (Éditions Exils, 1998, puis Folio actuel, 1999, régulièrement réimprimé depuis).
Vivre et penser comme des porcs était l’un des premiers à analyser, avec la rigueur du scientifique, la verve du polémiste et la patience du philosophe, le processus de domestication généralisée imposé par ce qu’il était alors convenu d’appeler le «  nouvel ordre mondial  », ordre qu’il nomme tantôt «  cyber-mercantile  », tantôt «  démocratie-marché  ». Ce faisant, il ouvrait la voie aux philosophes, qui, après lui, pourfendent la démocratie en montrant combien elle est soluble dans l’économie de marché. Gilles Châtelet en appelait à la constitution d’un front du refus fondé sur une philosophie de combat  : «  Nous devons vaincre là où Hegel, Marx et Nietzsche n’ont pas vaincu…  » Ce livre, publié juste avant qu’il ne se donne la mort, au début juin 1999, était l’aboutissement d’une longue maturation, le fruit d’expériences, de rencontres qui avaient nourri sa tendance naturelle à la révolte et aiguisé son esprit de résistance à toutes formes de répression  : politique, philosophique ou institutionnelle, partout où l’irréductibilité vertigineuse et «  l’innocence du quelconque  » peuvent être mises à mal au nom du dogmatisme, de l’idéologie, de la pensée et du système uniques.
Gilles Châtelet avait commencé de rendre publique ses critiques du consensus dès les années 1980 (les années Mitterand ; il est sans doute, là encore, l’un des premiers à avoir décelé le consensus auxquel se livrait la gauche de gouvernement). Ce sont ces interventions et articles, depuis devenus introuvables, ou les textes restés inédits que nous réunissons sous le titre  : Les Animaux malades du consensus. Ces proses critiques très maîtrisées, d’une lucidité mordante, constituent autant de fables des temps modernes, mêlant considérations philosophiques et humeur, humour et pensée critique, où l’on retrouve en germe le bestiaire et les généalogies de son unique et ultime pamphlet. Ses analyses stimulantes, suffocantes de pertinence et de liberté de ton, sont taillées à la mesure des questions d’actualité d’alors, qui demeurent des plus brûlantes  : l’Université, le travail, l’usage des drogues, les élites, la vitesse, le pétro-consensus… En somme, un exercice spirituel qui rappelle, en période de glaciation et d’amnésie, que la liberté n’est pas un choix mais un fait ; qu’il ne s’agit pas seulement d’invoquer son principe mais bien de travailler aux conditions de son exercice.
Extrait  : «  Pourtant l’Élite consensuelle reste inquiète  : elle a trop bien réussi à désosser la populace générique, à lui ôter toute énergie  : la Chair à bon choix ne se dérange même plus pour ratifier. On se désespère  : où est le père Noël qui fera émerger un Grand Projet  ? Comment électriser le Grand Zéro  ? Bien sûr, l’État “fonctionne” toujours, mais jamais une fonction n’a accouché d’un projet  ! Au niveau national on compte beaucoup sur les “questions de société” et la “défense des valeurs” pour exalter un peu la Chair à bon choix. Mais on ne peut espérer que les États restent les seuls maîtres d’œuvre de la Grande Charte Sanitaire du Mental qui s’esquisse. Les ministères de la lutte du Bien contre le Mal de chaque pays pourront sans doute assumer la sous-traitance indigène des croisades et des Grandes Battues et gérer le Service National des dénonciations, mais il semble que seules les multinationales de la superstition, comme l’Unification Church, l’Église de scientologie, etc., soient aptes à répondre à la demande mondiale de crétinisation.  »

 

vendredi 9 avril 2010

Changement de programme

La dernière séance du séminaire, prévu le 17 avril 2010 avec l'intervention d’André Tosel, « Colère, résistance, insoumission. Être en commun, bien commun et communisme au fil de trois générations », est finalement annulée et reportée à l’année prochaine.
Par ailleurs, d’autres textes ont été récemment remis en ligne sur le site du séminaire et d’autres suivront

L. Sève | Dialectique de la nature : sur les conditions d’une nouvelle crédibilité
E. Barot | Sartre : de la réification à la révolution
A. Artous | Le marxisme comme théorie critique
S. Kouvélakis | La politique dans ses limites ou les paradoxes d'Alain Badiou
I. Garo | L'idéologie ou la pensée embarquée
S. Zizek | La Subjectivation politique et ses vicissitudes
C. Gispert | T. W. Adorno : la politique de l’émancipation sociale à l’épreuve de la « Dialectique négative »
M. Husson | Le capitalisme contemporain et la finance
E. Barot | Cyberpunk & révolution : sur les vertus de la vraisemblance utopique. Ou comment le cyborg devint le noir de la SF
A. Artous | L'actualité de la théorie de la valeur de Marx. A propos de Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale
S. Bouquin | Séparés mais ensemble ? Le mouvement syndical et les travailleurs sans emploi en Belgique
A. Tosel | La mondialisation capitaliste & sa philosophie en France
Y. Bosc | Thomas Paine, l'allocation universelle et le principe de révolution
J. C. Suzunaga Quintana | Notas lacanianas a proposito de un dialogo… entre Freud y Marx
Penser la politique ? Entretien Badiou-Bensaïd
A. Artous | Jean-Marie Vincent, un penseur obstiné
 

lundi 5 avril 2010

« Révolution dans l’Université - Quelques leçons théoriques et lignes tactiques tirées de l'échec du printemps 2009 » par Emmanuel Barot

 
Le printemps 2009 a vu exploser la contestation, d'une ampleur et d'une durée inédites, de l'enseignement supérieur et de la recherche à l'égard des nouveaux principes de gestion managériale de l'université et de leur idéologie autoritaire. La grève universitaire lancée début février 2009 s'est soldée en juin 2009 par une défaite politique à peu près totale. Pour que les tendances de résistance puissent devenir de véritables forces opérationnelles conscientes de leurs possibilités, des lignes stratégiques et des options tactiques claires s'imposent. Cet essai propose une réflexion sur l'«incorporation croissante de la science au Capital», selon la formule de Marx, ainsi qu'une analyse de la grève du point de vue des intérêts et divergences de classes qui se sont exprimées en elle, afin d'identifier les contradictions qui ont à la fois nourri et miné ce conflit. Il dessine enfin des lignes tactiques et stratégiques pour résister et agir, dans l'université et hors d'elle. La révolution dont il est question ici s'entend donc à trois niveaux : la « révolution » réactionnaire en cours, la grève de 2009, et finalement l'appel à une double posture de résistance et de construction d'une université « oppositionnelle » en rupture avec les violences directes et les aliénations sournoises du capitalisme. 
Un extrait (l’introduction) est accessible en ligne ici.


samedi 3 avril 2010

Nœuger les lignes


Petit rattrapage sur la très belle revue Lignes qui a publié un numéro important en 2009, ainsi que plusieurs essais et ouvrages de littérature tout aussi intéressants qu’ils sont aussi de beaux objets esthétiques, et sur lesquels nous reviendrons dans un autre billet.

De la violence en politique (n°29, mai 2009) | Deux hypothèses  : ou le droit de l’État est contestable, ou l’État s’affranchit lui-même d’un droit qui ne l’est pas. Contester l’État, dès lors, c’est ou rappeler celui-ci au droit dont il se réclame ou réclamer de lui qu’il consente au droit qui naîtra de sa contestation. Dans un cas comme dans l’autre, la violence qu’il engage engage à une violence qui le conteste.

Michel Surya, Présentation
Alain Brossat, Le paradigme du lancer de chaussettes
Jacob Rogozinski, Offensive de printemps en Sibérie occidentale
Frédéric Neyrat, Rupture de défense
Bernard Noël, Plutôt non que oui
Jean-Luc Nancy, Violente politique
Alain Naze, De la violence en milieu tempéré
Daniel Bensaïd, Une violence stratégiquement régulée
Laurent Margantin, Des mots dangereux, ou que peut une parole insurrectionnelle ?
Mathilde Girard, Sabotages en quête d’auteur
Anselm Jappe, La violence, mais pour quoi faire ?
Pierandrea Amato, L’indécidable et la violence
Alain Jugnon, Des morts tueurs : un évêque est atteint
Sidi Mohammed Barkat, Octobre-novembre 2005 Les feux élémentaires
Mehdi Belhaj Kacem, L’architransgression
Dimitra Panopoulos, Le partisan de l’universel
Sophie Wahnich, Peuple et violence dans l’histoire de la Révolution française
Épilogue, contrepoint Jean-Christophe Bailly, De la fragilité des statuettes. Pour une esthétique de la précaution