jeudi 26 février 2009

« Un automne brûlant... à Nantes : sur les manifestations et les émeutes urbaines dont Nantes a été récemment le théâtre » par Claude Leneveu


Le texte que nous proposons ci-dessous est le fruit d'une analyse participante, à la fois sociologique (scientifique) et militante (sympathisante) du mouvement social de novembre-décembre 1995 à Nantes. Comme toujours avec Claude Leneveu, et comme pour tout véritable marxiste du reste, la rigueur militante n'annule pas ni ne dissout la rigueur scientifique de l'analyse sociologique. Au contraire, elles se nourrissent et s'articulent mutuellement, sans prévarication de l'une vis-à-vis de l'autre. Puisse ce texte d'ores et déjà en attester, avant la prochaine publication d'un recueil de ses travaux fin 2009-2010.

Lors du mouvement social récent, cet « automne brûlant » que notre pays vient de connaître [ce texte a été rédigé en 1996], les manifestations unitaires organisées à Nantes à l’appel de l’intersyndicale CGT, CGT-FO, FEN et FSU, ont atteint une ampleur sans égale depuis 1968. On peut même dire, avec certitude, que ces manifestations – auxquelles s’est toujours associé le mouvement étudiant dans ses diverses composantes et tendances, ainsi que des lycéens des principaux établissements de l’agglomération – délimitent sur le registre de la mobilisation collective, un seuil supérieur d’implication et de participation, si l’on se remémore, ou si l’on examine, les manifestations de 1968. Ainsi, celles du 30 novembre et des 5 et 7 décembre [1995] rassemblent de 25 000 à 35 000 personnes, quant à celle du 12 décembre [1995], qui marque le point de crête du mouvement, elle regroupe 40 000 manifestants (50 000 selon L’Humanité). (Lire la suite)

dimanche 22 février 2009

« La impunidad legislada o el retorno de lo imposible : el padre real » par Juan Carlos Suzunaga Quintana

Le site du séminaire s’ouvre un peu à l'international en publiant deux textes sur le marxisme et la psychanalyse, rédigés en espagnol. Voici le premier, le second sera publié prochainement.

El autor analiza brevemente la relación del crimen con la ley, para luego tomar la impunidad legislada como un efecto de la crueldad derivada de la perversión generalizada del mercado, acto propio del desarrollo de la modernidad, donde la dimensión de olvido es inherente a la pretensión de la modernidad por no querer saber nada de la verdad del sujeto (Lire la suite)

jeudi 19 février 2009

« L'idéologie, ou la pensée embarquée » par Isabelle Garo

L’idéologie est partout, le mot est si galvaudé que le concept s’est comme évaporé : on dit qu’une grève est idéologique pour éviter de dire qu’elle a d’autres raisons qu’une stricte revendication. On dit qu’une réforme est idéologique pour éviter de dire qu’elle s’inscrit dans la grande reprise en main autoritaire et libérale actuelle. Ce livre éclaire la notion d’idéologie, tout d’abord en précisant ce qu’elle n’est pas : ni une surface miroitante et trompeuse jetée par-dessus le réel qu’elle masquerait à des spectateurs consommateurs hypnotisés. Ni une superstructure mécaniquement déterminée par sa base économique et sociale, vision qui est celle d’un « marxisme » abâtardi. Isabelle Garo prend le contre-pied de ces interprétations convenues. Elle suit l’évolution de Marx sur la question de l’idéologie — depuis L’Idéologie allemande jusqu’au Capital — et elle en propose la poursuite contemporaine. Cette confrontation passé/présent montre que l’idéologie ne peut pas se définir une fois pour toutes, qu’elle est inséparablement liée aux affrontements et aux conflits d’idées d’un moment, au domaine des luttes et à celui des analyses théoriques. « Il s’agit d’arracher la notion d’idéologie à toute tentative de définition figée et de lui rendre sa capacité à débusquer les contradictions profondes qui reconduisent sans cesse les idées dominantes à l’ensemble d’un mode de production ». (lire un extrait)

Isabelle Garo, L’idéologie, ou la pensée embarquée. Paris : La Fabrique, 2009.– 182 p.

mercredi 18 février 2009

« Lukács critique du romantisme », une conférence de N. Tertulian

Nicolas Tertulian
Lukács critique du romantisme


Lundi 23 février 2009 & lundi 9 mars 2009, à 17 h, salle 524

(cliquer sur l’image pour visualiser l’affiche)

mardi 17 février 2009

« La leçon de maintien marxiste de Georges Labica » par André Tosel


« La classe ouvrière n’existe plus. Mais elle prend tout sur la gueule »

« Le communisme c’est le seul contrepoison le seul antidote le seul remède la seule alternative à la société d’exploitation au capitalisme qui jamais n’a le visage humain.

Tous les damnés de la terre savent ça qui sont de plus en plus nombreux et de plus en plus damnés


Seuls les salauds ne sont pas avec eux et c’est comme ça qu’on les reconnaît. »

Ces aphorismes tirés d’un de ses derniers ouvrages Démocratie et révolution (Le Temps des cerises, 2002, p. 66 & 112) donnent le ton de la voix singulière de celui qui vient de nous quitter et qui demeure la figure d’un des rares intellectuels marxistes et communistes qui en France ont su sans se renier maintenir le cap au sein de la tempête déchainée par le capitalisme mondialisé. Georges Labica, c’est d’abord cette voix qui ne cesse jamais de rappeler à la pensée, à la philosophie en particulier son appartenance au monde, l’état de ce monde et la condition de privation d’humanité en laquelle est jetée la masse des hommes vivant en ce monde ; c’est le chercheur d’une autre voie pour un communisme de ce monde et de ce temps. Tel est le fil conducteur d’une œuvre considérable : une quinzaine de livres, une quinzaine de directions d’ouvrages et je ne sais combien d’articles et contributions diverses à des colloques et à des revues tant sur le plan national qu’international. Il faudra un jour procéder à l’étude de toute cette profusion. (Lire la suite)

vendredi 13 février 2009

« Quand le travail se précarise : quelles résistances collectives ? » par Sophie Béroud & Paul Bouffartigue


Depuis la fin des années 1970 la précarisation du travail et de l’emploi accompagne l’entrée dans une nouvelle phase de crise du capitalisme. Elle constitue l’un des ressorts et l’une des implications majeurs des transformations productives qui s’accomplissent au travers d’un transfert de richesses du travail vers le capital et des politiques néolibérales de « flexibilisation » du travail. Elle frappe de plein fouet les vieux pays industriels, dans lesquels s’étaient édifiés tout au long du 20e siècle, sous l’impulsion du mouvement syndical et ouvrier, toute une série de protections sociales et collectives. Elle touche également des pays du Sud plus récemment industrialisés et dans lesquels ces protections n’ont pas connu la même extension. Quand aux pays émergents, qui semblent parfois être les grands bénéficiaires de la globalisation économique, l’industrialisation y revêt souvent le même visage sauvage qui a été le sien dans l’Europe occidentale du 19e siècle. (Lire la suite)

mercredi 11 février 2009

« La lutte continue : les conflits du travail dans la France contemporaine » par S. Béroud, J.-M. Denis, G. Desage, B. Giraud & J. Pelisse


À s’en tenir aux commentaires récurrents sur les mouvements de grève dans les services publics, la conflictualité du travail serait désormais cantonnée à quelques « catégories privilégiées » (cheminots en tête). En fait, la réalité des conflits du travail en France demeure largement méconnue. Si l’intensité des grèves dans les entreprises s’est affaiblie au cours des trois dernières décennies, les conflits n’ont pas pour autant disparus du monde du travail. L’exploitation des enquêtes statistiques du ministère de l’Emploi tend même à montrer plutôt une hausse significative du nombre d’établissements touchés par des conflits sociaux entre 1998 et 2004. En mesurant les formes de conflictualité avec arrêt de travail (la grève de plus de deux jours, de moins de deux jours, le débrayage) et sans arrêt de travail (grève du zèle, refus d’heures supplémentaires, manifestations, pétitions), l’analyse permet de restituer la diversité et l’évolution des pratiques contestataires utilisées au quotidien dans les entreprises. Elle montre également comment s’articulent les formes individuelles de conflictualité (repérées par les sanctions subies par les salariés, mais aussi l’absentéisme ou les recours aux prud’hommes) et les formes collectives, et aussi comment ces registres se brouillent (par exemple, autour des refus d’heures supplémentaires). Ainsi peut-on comprendre à la fois les continuités dans la pratique de la grève et les transformations en cours, dans des secteurs marqués par différentes formes de précarité.

Sophie Béroud, Jean-Michel Denis, Guillaume Desage, Baptiste Giraud, Jérôme Pélisse, La Lutte continue ? Les conflits du travail dans la France contemporaine. Bellecombe-en-Bauges : Éd. du Croquant, 2008.

vendredi 6 février 2009

« Polanyi, lecteur de Marx » par Jérôme Maucourant

La résurgence de la pensée de Polanyi constitue, en France, un phénomène particulier. Alors que les thèses de Polanyi furent assez discutées au tournant des années 1970 [Valensi, 1974], notamment dans les milieux marxistes par Dupré et Rey [1969] ou par M. Godelier dans son introduction à l’édition française de Trade and Markets [Arensberg et alii, 1957], il fallut attendre 1983 pour que soit traduite The Great Transformation. La nouvelle consécration de l’œuvre de Polanyi, au début des années 1990, affirme-t-on communément en France, proviendrait du reflux du marxisme. Cette assertion répandue n’est pas sans quelque vérité : il est certain que l’emprise moins importante du marxisme outre-Atlantique explique a contrario une plus grande continuité de l’attention portée au travail de Polanyi et son école. Pourtant, les modes intellectuelles ne sont pas nécessairement le meilleur guide de l’intelligence d’une œuvre. Dans le cas de Polanyi, le monde académique ignore souvent la complexité d’un itinéraire politique et intellectuel. En effet, il est impossible de comprendre la signification profonde du travail de Polanyi en oubliant qu’il fut socialiste et ne cessa de développer son point de vue relativement à des interprétations de Marx. Certes l’immensité du travail de Marx condamne toute interprétation à être partielle et partiale ; c’est toutefois en comprenant pourquoi et comment sont intégrés ou rejetés certains acquis marxiens au travail de Polanyi que l’on peut mieux comprendre la dynamique interne de son propos. (Lire la suite)

lundi 2 février 2009

« À propos de “Traces” d'Ernst Bloch » par Thierry Labica

Pour des raisons conjoncturelles pas toujours compatibles entre elles du point de vue idéologique et politique (proto-millénarisme bas de gamme et pur opportunisme éditorial d’un côté, renouveau de radicalité désentravé du paradigme « réellement existant » de l’autre), l’utopie semble connaître une certaine vogue. La récente réédition de Traces, ouvrage court et
apparemment secondaire dans l’œuvre d’Ernst Bloch, est peut-être à mettre sur le compte de la récente mode. Traces mérite pourtant une attention toute particulière au moins pour trois raisons : d’abord parce que son auteur a produit l’une des œuvres (l’œuvre ?) les plus considérables et les plus systématiques de ce siècle concernant l’utopie ; ensuite, parce que ce petit livre, peut-être du fait de son titre (peu explicite) et de sa composition (j’y viens), se trouve dans l’ombre des grandes œuvres que Bloch a clairement consacrées à l’utopie, à savoir, en particulier, L’Esprit de l’utopie, qui le précède de quelques années, et Le Principe espérance travail gigantesque qui reprend, systématise et redéploie le reste de l’œuvre au point de la satelliser. Enfin, Traces, qui fait l’effet d’un véritable bazar de récits et d’histoires en tous genres, présente un tour provocateur et résolument ouvert. Rappelons que Traces entame une troisième vie : s’il y a un Spuren initial chargé, après 1917, du moment et de l’espoir d’un processus révolutionnaire enfin abouti et si en 1959, ce morceau d’exubérance progressive n’a plus, et depuis un moment, l’histoire pour lui, surtout quand Bloch s’est par ailleurs lui-même compromis politiquement, notre moment, lui, peut être celui d’une renaissance pour les raisons déjà évoquées et à condition de savoir ce que l’on souhaite réquisitionner par la lecture. Bloch philosophe d’une renaissance. Juste retour. (Lire la suite)