jeudi 18 décembre 2008

« Lire les “Manuscrits de 1844” » par E. Renault


Les Manuscrits de 1844 sont l'un des textes les plus célèbres de Marx, à juste titre puisqu'un certain nombre de thèmes fondamentaux y trouvent leurs formulations philosophiques classiques. Ces manuscrits font en outre l'objet d'un regain d'intérêt dont témoignent plusieurs traductions récentes et le renouveau des discussions sur la conception marxienne de l'aliénation. Mais leur importance et leur actualité sont en proportion directe d'une opacité due notamment à la diversité de leurs enjeux (de la critique de la philosophie à celle de l'économie politique) et à la multiplicité de leurs interlocuteurs (des jeunes hégéliens aux socialistes et aux communistes français).

E. Renault (dir.), Lire les « Manuscrits de 1844 ». Paris : PUF, 2008.

lundi 15 décembre 2008

« Vaincre la nouvelle pauvreté : défi démocratique du XXIe siècle » par Catherine Samary


Parmi de multiples angles d’approche possibles, la crise structurelle de la mondialisation incite à prendre la « nouvelle pauvreté » comme fil conducteur d’une réflexion sur la démocratie au XXIe siècle. Parce que prendre le point de vue des plus déshérités de cette planète, en tant que réalité « moderne », met en lumière l’ampleur, la profondeur du déni de démocratie que représente, en son essence, l’ordre productif capitaliste globalisé. On le soulignera ici dans ses dimensions socio-économiques, politiques et idéologiques, pour mettre en évidence l’émergence des pré-conditions d’une effective révolution démocratique (Lire la suite)

lundi 8 décembre 2008

« Marx, historien de l’histoire politique de la France moderne : Marx et la surpolitisation de la révolution » par Jean-Claude Bourdin

L’intérêt de lire les textes historiques de Marx : ils permettent de saisir sur le vif le travail d’un penseur : 1/ qui a une théorie de l’histoire (dite matérialisme historique, « MH ») qu’il dit avoir tirée de l’examen de l’histoire effective (Geschichte), comprise comme lutte de classes ; 2/ qui prétend pouvoir tirer de la théorie des leçons ou des règles pour l’action révolutionnaire et, au-delà, pour la compréhension du déroulement (des tâches) de l’histoire à venir ; 3/ et qui, confronté à l’histoire qui se déroule sous ses yeux, doit rendre compte de la singularité des événements, en exploitant les ressources de sa théorie et en étant contraint d’inventer des catégories et des concepts nouveaux.
Marx a écrit des textes de genre très différent (articles, ouvrages, correspondance) sur son actualité politique. Il ne pouvait pas ne pas essayer de comprendre cette actualité en fonction de ses responsabilités de militant révolutionnaire et, inséparablement, comme théoricien de l’histoire. Je me limiterai aux Luttes de classes en France (1850) et au 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852) pour rester dans le cadre de l’histoire de France. Mais il faudrait étudier les très nombreux articles écrits pour des journaux ainsi que les lettres qui parlent de la colonisation britannique de l’Inde, de la guerre entre la Russie et l’Angleterre en Afghanistan, de la guerre civile nord américaine, de l’évolution de l’économie mondiale, etc. (Lire la suite)

samedi 6 décembre 2008

dernière livraison de la revue « contreTemps » en ligne


Que faire face à la crise ?

Comment comprendre la crise économique actuelle ? Quelles sont les alternatives du côté de la gauche anticapitaliste et du mouvement social ? Nous avons organisé une table ronde avec les économistes Frédéric Lordon et Michel Husson, le syndicaliste Pierre Khalfa de Solidaires et François Sabado de la LCR. A lire, visionner ou podcaster.

Également disponibles à titre gracieux :
* Deux chapitres du dernier ouvrage de Frédéric Lordon, Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières (Paris: Éd. Raisons d'agir, 2008) :
le ch. 1, « Concurrence et cupidité, les ingrédients de l'aveuglement » et le ch. 3« La chute appelle la chute » (téléchargement ici)
* Trois chapitres du dernier ouvrage de Michel Husson, Un pur capitalisme (Lausanne : Éd. page 2, 2008) : le ch. 1 « La hausse tendancielle du taux d'exploitation » ; le ch. 11, « La crédibilité du programme » et le ch. 15, « Marx et le capitalisme contemporain » (téléchargement ici)

jeudi 4 décembre 2008

« Marxisme et religion : Antonio Gramsci » par Michael Löwy

Contrairement à Troeltsch et Mannheim, Antonio Gramsci (1891-1937) n'était pas un universitaire. Fondateur du Parti communiste italien (1921), il a écrit la plupart de ses travaux dans la clandestinité ou dans la prison, et ses réflexions étaient toujours inspirées par son engagement politique révolutionnaire. Ses recherches les plus importantes se trouvent consignées dans des Cahiers manuscrits, rédigées dans les prisons du régime fasciste italien, où il resta enfermé de 1927 jusqu'à sa mort en 1937. Esprit inquiet et hétérodoxe, Gramsci va renouveler la théorie marxiste, aussi bien du point de vue philosophique que politique. Passionnément opposé aux interprétations positivistes, scientistes ou déterministes du matérialisme historique, aussi bien dans la social-démocratie (Enrico Ferri, Filippo Turati) que dans le mouvement communiste (Boukharine), il va proposer une interprétation éthique et volontariste du marxisme, en s'appuyant, dans ses écrits de jeunesse, sur Sorel et Bergson, et dans ses écrits postérieurs, sur la tradition historiciste italienne. (Lire la suite)

lundi 1 décembre 2008

« L’ontologie chez Heidegger et chez Lukács : phénoménologie et dialectique » par Nicolas Tertulian

La vaste littérature critique sur Heidegger et sur la place de choix que son « ontologie fondamentale » et sa pensée de l’Être occupent dans la philosophie du siècle n’enregistre jusqu’à présent aucune confrontation avec l’entreprise symétrique de Georg Lukács de situer l’ontologie au centre de la problématique philosophique, en édifiant à partir de Marx une théorie de l’être social ancrée dans une pensée de l’être et de ses catégories. Non seulement les heideggériens ont ignoré les derniers grands ouvrages de Lukács, l’Esthétique et l’Ontologie de l’être social, mais les nombreux interprètes parfois très critiques de l’œuvre heideggérienne ont préféré garder le silence sur les œuvres du dernier Lukács, en se privant ainsi de la possibilité de découvrir ce qu’il faut bel et bien désigner comme l’antipode de l’« ontologie phénoménologique » et de la Seynsphilosophie heideggérienne. Or une telle confrontation serait féconde. Confronter, par exemple, l’être-dans-le-monde heideggérien avec le réalisme ontologique de Lukács, la conception éminemment dialectique de la relation sujet-objet du second avec la présomption heideggérienne d’avoir bouleversé la dualité sujet-objet et d’avoir institué une pensée radicalement nouvelle de la « subjectivité du sujet » permet de mesurer la portée des analyses ontologiques de Lukács, ainsi que leur efficacité dans la déconstruction de la pensée heideggérienne. Une lecture croisée des textes de Lukács et de Heidegger, mais aussi de ceux d’Ernst Bloch ou de Nicolaï Hartmann, n’a rien de surprenant, si on tient compte qu’au-delà des clivages et des antagonismes, des incontestables similitudes de problématique existent entre des penseurs qui se sont proposé chacun d’élaborer une ontologie dans les condi-tions spécifiques du XXe siècle. Il nous semble évident, par exemple, que la volonté de circonscrire la spécificité de l’humanitas de l’homo humanus, le niveau ontologique singulier qui définit l’existence humaine par rapport à d’autres types d’existence, traverse comme un axe central la réflexion de Lukács aussi bien que celle de Heidegger. Peut-on établir, par conséquent, une proximité quelconque entre le « monde » lukácsien (la Welthaftigkeit, dont il parle dans son Esthétique, ou le « monde » de la quotidienneté, dont nous entretient le chapitre sur l’idéologie de son Ontologie) et le « monde » heideggérien, dont il faut rappeler qu’il est un Existenzial, une caractéristique consubstantielle au Dasein, à la réalité-humaine ? Choisissons comme terrain de comparaison entre les différentes ontologies la relation sujet-objet et le concept de « monde ». Heidegger, on le sait, refuse à la question de l’autonomie ontologique du monde extérieur une quelconque portée philosophique, en affirmant expressis verbis que le surgissement d’un monde n’est possible qu’avec l’émergence du Dasein (de la réalité-humaine), l’existant en-soi (das Seiende) étant par lui-même a-mondain (ou weltlos, sans monde). Le syntagme heideggérien « die Welt weltet », ou « es weltet » (le monde se mondanéise) implique la co-présence d’un sujet, l’être-subsistant (das Vorhandene) restant figé par son a-subjectivité dans une inertie d’extériorité (selon l’expression de Sartre). Lukács, en revanche, fait de l’autonomie ontologique du monde extérieur un pilier de sa réflexion, en soulignant constamment que sans la prise en compte du das Ansichseiende (de l’être-en-soi), de l’autonomie et de la consistance objective du réel, au-delà de toute ingérence de la subjectivité, on ne peut pas comprendre la genèse de la praxis humaine. (Lire la suite…)